Le ministre de la Justice, des Droits humains et de la Promotion civique, Garde des Sceaux, Bessolé René BAGORO conduit la délégation du Burkina Faso qui participe du 11 au 13 juillet 2018 à Strasbourg en France, à la Conférence Octopus 2018 sur la coopération contre la cybercriminalité.
Sa Communication portant sur « L’état des lieux et les perspectives de la lutte contre la cybercriminalité au Burkina Faso ».
Permettez-moi, avant tout développement, de traduire la gratitude de ma délégation au Conseil de l’Europe pour avoir convié notre pays, le Burkina Faso, à cette importante conférence.
Comme partout ailleurs dans le monde, les technologies de l’information et de la communication prennent progressivement une place de choix dans le quotidien des Burkinabè.
Si cette plongée dans la société du numérique est une belle opportunité d’amélioration de la qualité de vie des personnes et de développement d’une nouvelle économie, elle est tout aussi porteuse de nouvelles menaces.
Ces menaces, considérées au départ comme négligeables, se sont vite montrées dangereuses au fur et à mesure que les TIC prennent place dans la vie des citoyens et dans l’organisation de la vie sociale. Ainsi, on est vite passé des délits mineurs contre les personnes et les biens comme les diffamations en ligne, la petite escroquerie à de vastes opérations de dissipation de fonds par manipulation des données bancaires, à des attaques contre des sites gouvernementaux et récemment à des actes en lien avec des violences et des entreprises terroristes. C’est dire que la cybercriminalité est devenue une menace sérieuse non seulement pour la sécurité des personnes et des biens, mais aussi une entrave sérieuse à l’émergence des économies numériques embryonnaires et à la digitalisation des sociétés comme les nôtres.
Mais la préoccupation de nos pouvoirs publics aujourd’hui ne porte pas seulement sur l’ampleur que prend la cybercriminalité contre nos citoyens, elle porte surtout sur l’utilisation de notre territoire comme base arrière pour commettre des infractions dans d’autres pays dans le monde. Les cyberdélinquants connaissent bien les insuffisances de nos pays sur cette question et peuvent bien faire de nos territoires des sanctuaires à partir desquels ils pourront agir partout sans être inquiétés parce que soit notre législation est insuffisante, soit nous n’avons ni l’expertise ni les moyens techniques pour les traquer.
Au Burkina Faso, les infractions en matière informatique ont été pour la première fois prises en compte par la réforme du code pénal intervenue en 2004. Cette réforme a incriminé des faits relatifs à l’accès frauduleux et aux atteintes à l’intégrité du système informatique. Mais c’était une réforme insuffisante pour pouvoir prendre en compte les abus et autres violations des droits humains dont le cyberespace constitue le champ d’action. C’est dans cette dynamique que de nouvelles réformes ont été initiées pour prendre en compte de façon efficace la lutte contre la cybercriminalité. Ainsi, le nouveau code pénal adopté en mai 2018 et le code de procédure pénale en voie d’adoption ont suffisamment pris en compte la lutte contre la cybercriminalité, tant du point de vue du droit pénal matériel que du droit pénal procédural.
C’est le lieu, pour moi ici, de souligner l’accompagnement dont le Burkina Faso a bénéficié de la part du Conseil de l’Europe à travers le projet GLACY+ dans le cadre de l’élaboration de ces textes. Cet accompagnement a permis à notre pays de conformer les nouveaux codes pénal et de procédure pénale à
la Convention de Budapest et aux instruments juridiques africains relatifs à la lutte contre la cybercriminalité.
Je voudrais saisir l’opportunité de cette conférence pour traduire solennellement la reconnaissance de notre pays au conseil de l’Europe.
La clé du succès dans la lutte contre la cybercriminalité réside, nous le savons tous, dans une coopération judiciaire internationale efficace. C’est pourquoi notre pays s’est résolument engagé à adhérer à la Convention de Budapest que nous considérons comme une bonne référence pour l’harmonisation des législations nationales et une bonne plateforme de coopération judiciaire.
En sus des réformes législatives, notre pays est en train d’élaborer une stratégie nationale de lutte contre la cybercriminalité dans le cadre plus global de la stratégie nationale de développement de l’économie numérique.
Comme vous le constatez, le Burkina Faso est sur la bonne voie mais reste conscient qu’il est en retard sur la question de la lutte contre la cybercriminalité. Il a donc besoin d’être soutenu dans ses efforts.
C’est pourquoi nous sommes heureux que cette conférence se penche sur la preuve électronique et sur les mécanismes de son administration.
Collecter des preuves électroniques et mettre un « nom et visage » sur des personnes qui se cachent derrière des pseudonymes ou des identités usurpées, requiert non seulement un niveau d’expertise technique élevé, mais aussi l’utilisation d’outils techniques appropriés.
Aujourd’hui, en tout cas pour ce qui concerne notre pays, cette expertise est une ressource d’une particulière rareté pour ne pas dire qu’elle est inexistante. Nous venons juste de mettre à jour notre législation, vous comprenez qu’il reste à mettre à jour ceux qui sont chargés de l’appliquer. Cela, nous le savons, passe par la formation des magistrats et de la police judiciaire dès les écoles de formation initiale et par le recyclage continu de ceux qui sont déjà en fonction.
En plus, il nous faut former des enquêteurs spécialisés en investigations numériques et des experts en criminalistique informatique pour animer des unités de police judiciaire spécialisées dans la répression de la cybercriminalité qui sont aussi à créer. Ces unités pourront aider à coordonner les mesures nationales de lutte contre la cybercriminalité et faciliter la coopération judicaire internationale dans les enquêtes.
Pour ces besoins qui sont aussi ceux de la plupart des pays en développement, nous avons besoin de l’assistance technique et d’une coopération dynamique internationale.
En cela nous remercions encore le Conseil de l’Europe pour ce qui est fait à travers le projet GLACY+ dans nos pays et plaidons pour que d’autres partenaires et le secteur privé, notamment les sociétés multinationales, nous accompagnent pour construire la confiance dans le numérique.
Strasbourg, le 11 juillet 2018
Je vous remercie
Le Ministre de la Justice, des Droits Humains et de la Promotion Civique, Garde des Sceaux
Bessolé René BAGORO
Officier de l’Ordre National