RÉUNION ANNUELLE DU PNUD SUR L’ETAT DE DROIT ET LES DROITS HUMAINS : DÉCLARATION DE MONSIEUR LE MINISTRE DE LA JUSTICE, GARDE DES SCEAUX

Le Burkina Faso, pays des hommes intègres, que j’ai l’honneur de représenter est très honoré de prendre part à cette importante rencontre autour de la thématique « L’avenir que nous voulons : Etat de droit et les droits de l’homme, sécuriser le contrat social ».

Permettez-moi, avant tout propos, de traduire les salutations fraternelles du peuple burkinabè à l’ensemble des parties prenantes à cette rencontre.

Sous l’impulsion de son Excellence Monsieur Rock Marc Christian KABORE, Président du Faso, le Burkina Faso a fait de la lutte contre la pandémie de la COVID 19 une priorité.

En rappel, depuis l’apparition de la pandémie de la covid 19 dans le monde, le Gouvernement du Burkina Faso a mis en place un comité national de riposte, chargé d’assurer la surveillance de la maladie à travers le déroulement d’un plan de riposte. Le premier cas de coronavirus a toutefois été détecté le 09 mars 2020 au Burkina Faso. Dès l’annonce de ce cas, une batterie de mesures accompagnée d’actions de sensibilisation a été prise pour protéger la population dans le respect strict des droits de l’homme.

Au titre de ces mesures, on peut noter entre autres, la fermeture des lieux de cultes, des écoles et des marchés, l’interdiction de tous rassemblements de plus de cinquante personnes, la fermeture des frontières terrestres et aériennes, la mise en quarantaine de toutes les villes ayant enregistré au moins cas testé positif à la Covid, l’instauration d’un couvre-feu pendant la nuit.

A ces mesures et dans le souci de soulager la population, le Gouvernement a décrété la gratuité ou l’allègement des prix des produits de consommation de base au profit de la population. Il s’agit entre autres de la consommation d’eau, d’électricité. A cela s’ajoute des mesures d’allègement fiscal au profit des entreprises.

Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs.

Le Burkina Faso est confronté, en plus de la pandémie de la covid 19, à une insécurité liée à des attaques terroristes et des conflits communautaires. Conscient de la place et de l’importance de la justice dans l’état de droit, le Gouvernement a entrepris, depuis 2016 des réformes en vue de consolider la promotion et l’effectivité des droits humains.

Ces réformes ont porté sur le renforcement de l’indépendance de la justice notamment par la déconnexion du Conseil supérieur de la magistrature de l’exécutif, le recrutement exceptionnel de plus de deux cent magistrats, le renforcement de l’accès à la justice à travers l’opérationnalisation d’un fonds d’assistance judiciaire chargé d’assister les personnes indigentes dans les procédures judiciaires, la construction de trois nouvelles juridictions et d’établissements pénitentiaires en vue de rapprocher la justice des justiciables, les réformes législatives à travers la relecture de certains textes dont le code pénal, le code de procédure pénale, la loi portant organisation judiciaire.

Il convient de noter dans le cadre de la consolidation de la paix et de la prévention des conflit, l’expérimentation de la médiation pénale dans les juridictions pilotes du pays dont les premiers résultats sont concluants. Ce mécanisme permet aux acteurs judiciaires de faire recours à l’intervention d’autres acteurs, notamment les chefs coutumiers et les leaders religieux dans la résolution de certains conflits.

En plus de la justice, d’autres institutions publiques participent à la prévention et à la résolution des conflits communautaires ou sociaux. Il s’agit entre autres du ministère des droits humains et de la promotion civique, du Ministère chargé de la cohésion sociale, du Médiateur du Faso, du Haut conseil pour la réconciliation et l’unité nationale, du Haut conseil pour le dialogue social.

Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les membres,
Chers participants.

Je voudrais à cette étape, relever qu’au Burkina Faso en plus des juridictions, l’administration pénitentiaire relève de la compétence du ministère de la justice. Ainsi, la suite de mon intervention concernera à la fois les constats et reformes dans les deux composantes du secteur de la justice.

Revenant sur le sujet, il faut souligner qu’en dépit des mesures prises par le gouvernement, la covid 19 a eu des impacts néfastes sur le fonctionnement normal des juridictions

En effet, la pandémie a eu pour conséquence le ralentissement de l’activité juridictionnelle puis sa suspension. Cette suspension a impacté négativement les droits des justiciables notamment en matière de délais de recours, de détention, d’exécution de décisions. Un nombre important d’audiences initialement programmées, n’a pu se tenir, différant les décisions de justice attendues par les justiciables.

En outre, elle a occasionné une régulation budgétaire de plus de 26% sur le budget du ministère de la justice, ce qui a entraîné une remise en cause des ambitions et partant, la protection des droits des populations. L’achèvement de certaines constructions de juridictions et leur équipement seront différés, de même que l’assistance financière aux personnes indigentes, la tenue des audiences criminelles allongent les délais de détention, et j’en passe.

Monsieur le Président,

Face à cette situation, mon pays a pris des mesures de préventions dès les premiers moments de la pandémie dans le domaine de la justice. Ainsi, en plus des mesures sanitaires décrétées sur toute l’étendue du territoire (port obligatoire de masques, lavement des mains, la distanciation physique, …), il a été mis en place un comité de crise au niveau du département chargé de réfléchir sur les mesures de prévention et de gestion de la pandémie.

Sur proposition de ce comité, j’ai décidé de la suspension des visites aux détenus dans les établissements pénitentiaires. De même, des mesures supplémentaires ont été prises, notamment le désengorgement des prisons en vue de réduire le risque de propagation de la maladie en milieu carcéral par l’élargissement à titre exceptionnel de plus de 1 207 détenus, la suspension des activités juridictionnelles, la dotation du personnel des cours et tribunaux de kits d’hygiène nécessaires à la prévention de la covid 19.

Monsieur le Président,

S’agissant des plans et programmes de réponses d’urgences et structurels, mon département a inscrit dans le plan d’urgence pour le Sahel, l’amélioration de l’accès à la justice dans les régions frappées par le terrorisme à travers l’intensification de la délivrance de documents officiels y compris aux personnes déplacées internes, la tenue des audiences délocalisées, la tenue des audiences criminelles.

En plus, des actions visant l’amélioration de la lutte contre le terrorisme et la criminalité ont été inscrites. Il s’agit entre autre de l’organisation de cadres de concertation et de formations conjointes visant le renforcement de la collaboration entre les procureurs/magistrats instructeurs et les officiers de police judiciaire ; le renforcement de la collaboration entre les autorités judiciaires, les autorités civiles et les forces de sécurité intérieure, notamment pour faire face à la montée de la criminalité organisée ou la criminalité générée par la pression des personnes déplacées internes ; de mettre en place un cadre d’échange de tous les responsables des structures intervenant dans la lutte contre le terrorisme ; le renforcement des infrastructures et équipements des centres de détention prioritaires.

Comme précédemment relevé, la régulation budgétaire compromet fortement la mise en œuvre des activités envisagées dans le cadre du Programme d’urgence pour le Sahel.

Monsieur le Président,

La question de la sécurité demeure une préoccupation majeure pour mon pays soumis à des attaques récurrentes de terrorisme.

De manière générale, dans le secteur de la justice, le gouvernement a relu en 2020, les textes portant création de la Brigade spéciale des investigations antiterroristes et de lutte contre la criminalité organisée. Ces nouvelles attributions lui permettront de mieux faire face aux besoins d’investigation et de collecte des preuves dans le domaine de l’anti-terrorisme et de lutte contre la criminalité organisée.

Il a été également créé un pôle spécialisé dans la répression des actes de terrorisme au sein du TGI Ouaga II. Le pôle spécialisé vise à centraliser et coordonner la répression des actes de terrorisme et le financement du terrorisme au Burkina Faso.

En ce qui concerne particulièrement les réformes prises dans le domaine de la sécurité liées à la pandémie en milieu carcéral, il a été décidé la mise en avant de la sécurité sanitaire avant la sécurité physique et/ou militaire. En effet, le contrôle sanitaire, prise de température, port obligatoire de masque, recherche de signes de COVID19, recherche de notion de contact avec un malade de covid19, lavage des mains ; est la première procédure avant toute procédure de contrôle militaire (identité, fouilles corporelle, fouille de colis…).

Aussi, mon département a entrepris l’aménagement de locaux d’isolement pour la mise en quarantaine des nouveaux arrivants, l’isolement des cas suspects, des cas contacts et des cas confirmés. L’aménagement concerne également les parloirs pour recevoir les visiteurs et familles des détenus de façon à respecter les mesures barrières (distanciation physique de 1,5 mètres).

Il est de même de la mise à disposition de masques de protection pour tous les détenus et l’organisation de formation pratique des agents de santé des prisons sur la gestion clinique des éventuels cas de covid19 en détention.

Toutes ces mesures visent à prévenir et à anticiper sur la prise en charge des cas d’infection à la covid 19.

Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les membres,
Chers participants.

En prenant part à cette importante rencontre, le Burkina Faso souhaite d’une part, s’enrichir de l’expérience des autres nations du monde et d’autre part, bénéficier de l’accompagnement technique et financier des pays frères et amis, des institutions spécialisées du système des Nations Unies, des Organisations non gouvernementales internationales ainsi que de l’ensemble des personnes ressources pour que la volonté politique fortement affichée à travers les actions déjà entreprises deviennent une réalité pour la promotion et l’effectivité de l’état de droit et des droits humains.

Pour terminer, je vous réitère ma sincère gratitude et mes félicitations à Monsieur le Président et au PNUD pour la tenue régulière de cette session pour la promotion des droits humains.

Cette tribune constitue une excellente opportunité d’échanges, de partage et d’évaluation des meilleures pratiques en matière de protection et de promotion des droits de l’homme.

Je vous remercie.
Bessolé René BAGORO
Officier de l’Ordre de l’Etalon